Hier a eu lieu la journée internationale des droits de l’enfant. Les enfants d’aujourd’hui. Ceux de demain et d’une certaine manière ceux d’hier.

C’est au sujet des enfants d’hier que je souhaiterais aujourd’hui consacrer cet article. De nombreuses émissions ont donné la parole à des adultes, femmes et hommes agressés sexuellement dans l’enfance. Des témoignages très touchants. Ceux d’anonymes ou ceux de personnes connues comme Andréa Bescond. 59 d’entre nous ont également signé notre appel à l’imprescriptibilité des crimes sexuels sur mineurs qui a été publié dans Le Monde.

J’ai été en particulier très touchée par les victimes du procès du père Régis Peyrard qui était jugé hier par le tribunal correctionnel de Saint-Etienne. Ce prêtre âgé de 85 ans ne devait répondre que d’une seule agression sexuelle sur un enfant de 11 ans dans les années 90, alors que des dizaines de victimes prescrites se sont manifestées. Celles-ci se sont réunies devant le tribunal avec des silhouettes d’enfants en carton en déclarant: “ces pancartes symbolisent l’enfant que nous étions quand nous nous sommes fait agressés et cet enfant a été arrêté dans sa croissance, dans son innocence”….Vraiment émue par ces hommes, quinqua, sexagénaires….Ces enfants d’hier….

Particulièrement touchée aussi ce matin en entendant sur France Inter l’une des victimes prescrites, qui a aussi subi une amnésie traumatique après les faits, Jean Francois Roche. Avant l’audience, il a eu le courage d’interpeller le père Peyrard pour qu’il lui dise “pardon”. Jean-François lui dit: “tu ne veux pas demander pardon? Pourtant le pardon, c’est le pilier de l’Eglise. Ca fait 42 ans que j’attends”. Et il ajoute: ““je te tutoie car à l’époque tu nous demandais de te tutoyer”….Dans cette phrase on perçoit toute la colère et la détresse de l’impact qu’on eut les horreurs commises par le prêtre. Aucune réaction du père Peyrard.

A la barre, Jean-François a raconté dans un déchirement total ce qu’il a ressenti au moment des faits:: “j’ai passé toute la nuit à attendre le prochain assaut. J’ai cru mourir. C’était une nuit d’épouvante. J’attendais que le jour se lève”….Sans mot….

L’unique victime dont les faits n’étaient pas prescrits a raconté les conséquences terribles de ces actes sur sa vie, “la perte de confiance en soi” et surtout le terrible sentiment d’être attiré par les enfants au moment où il s’est souvenu des attouchements. De nombreuses victimes, en particulier des hommes, racontent souvent ce même type de pensées terribles à gérer.

La Dre Muriel Salmona explique très bien qu’il s’agit d’une “colonisation psychique” de l’agresseur par laquelle la victime se retrouve envahie par les pulsions du criminel mais qu’il ne s’agit en aucun cas de ses propres pulsions. Il n’empêche que nombre de victimes n’osent jamais en parler tant la honte et la culpabilité les envahissent. Hommage au courage de cet homme.

Il a aussi décrit les stratégies du père Peyrard qui en bon prédateur se liait d’amitié avec les pères de ses victimes et s’introduisait dans leur intimité, parvenant ainsi à museler ses futures proies. Une stratégie malheureusement classique qui est par ailleurs bien décrite dans l’affaire du père Bernard Preynat.

Pour se défendre, le père Peyrard a invoqué le classique trou de mémoire qui là aussi ne tient pas. La Dre Salmona expliquant souvent que le criminel ayant une “intentionnalité” toxique à l’égard des victimes, il ne l’oublie pas.

Une autre victime a raconté l’impact de ces agressions sexuelles sur sa vie d’adulte, sur son couple, sur sa famille….

Là où mon sang ne fait qu’un tour c’est en découvrant le réquisitoire du procureur: “j’aurais évoqué 30 victimes dans ce dossier mais je m’éviterais bien d’avancer un chiffre. Combien de gamins à la montagne dans la douche?….etc j’en sais rien”. Ce dossier et tant d’autres nous incitent encore plus à nous battre pour l’imprescriptibilité totale en matière de crimes et d’agressions sexuelles sur mineures.s. Ces personnes comme le père Peyrard sont des prédateurs en puissance qui ne s’arrêtent jamais! Le procureur a requis à son encontre trois ans de prison dont 18 mois avec sursis. Le jugement a été mis en délibéré au 21 décembre.

A l’issue de l’audience, Peyrard en pleurs a exprimé ses “regrets” et demandé “pardon”. Je ne connais pas cet homme. Et je peux croire qu’une partie de ses sanglots était sincère parce que d’un coup lors de ce procès il a vu et entendu les conséquences de ses actes pervers sur des vies entières d’hommes et de femmes, sur des familles….Et à la fois je me dis que les réquisitions sont pour le moins clémentes par rapport aux années de souffrance et au nombre de victimes….

Il est vraiment nécessaire d’engager en France une réflexion de fond sur l’imprescriptibilité des crimes et agressions sexuels sur mineurs. Une réflexion portant sur les aspects sociétaux, humains, médicaux, psychologiques, somatiques…etc. Notre loi autorise désormais toute victime de pédocriminalité à déposer plainte jusqu’à 48 ans. Nous pouvons aller plus loin. Il s’agirait d’une décision courageuse, symbolique mais nécessaire.

Belle après-midi à toutes et à tous,

Mié Kohiyama, présidente de MoiAussiAmnesie

 

Crédit image: 20Minutes E.Frisullo