Au fil des groupes de parole de victimes d’amnésie traumatique liée à des violences sexuelles, nous découvrons avec effarement les fréquentes maltraitances verbales intolérables de soignants qui constituent un deuxième traumatisme pour les victimes. Souvent d’ailleurs nombre d’entre elles insistent pour dirent que ces phrases qui tuent les ont parfois autant marquées que les viols car ayant eu pour conséquence de les museler ou paralyser pendant des années.

Que ce soit par absence de formation au psychotraumatisme, par malveillance, par maladresse….etc. après tout peu importe la raison car l’impact déstructurant sur la victime reste le même. Et c’est elle qui doit en gérer les conséquences afin de pouvoir se libérer de ces mots/maux enfermants.

C’est pourquoi nous souhaitons écrire un court post avec ces phrases « qui tuent » et trouver des alternatives réparatrices avec le schéma suivant: «la phrase qui tue», les conséquences et la phrase de remplacement. Ce post sera le vôtre si vous avez vécu des expériences similaires.

C’est un sujet que nous avons déjà abordé mais nous pensons qu’il est tellement grave qu’il nécessite d’y revenir et surtout de remettre le monde à l’endroit avec un silence ou une phrase adéquate.

La Dre Muriel Salmona, psychiatre spécialiste du psychotraumatisme insiste souvent sur le fait de redonner du sens, de penser les traumatismes. Le monde d’une victime de viols est totalement morcelé. Remettre du sens et de la pensée dans cet éparpillement lui permet de retrouver le chemin de la vie, de l’estime, de la confiance, de l’autonomie et de la liberté.

Bonne continuation à toutes et à tous,

Mie Kohiyama pour le groupe MoiAussiAmnesie

1/ Médecin généraliste à une victime: “si tu as oublié ces viols, c’est que tu devais être consentante”….
– Conséquence pour la victime: 20 ans d’amnésie traumatique, déni, mal être…etc
– Phrase de remplacement: “Tu as oublié ces viols car ton cerveau a mis en place un mécanisme de sauvegarde pour échapper au stress. Dès lors, il était évident que tu ne pouvais te souvenir de tout. Tu as été victime d’une amnésie traumatique, ce qui en aucun cas ne signifie que tu étais consentante”.

2/ Médecin psychiatre à une victime d’inceste qui croit apprendre sa ménopause: “dans votre cas, mieux vaut ne pas avoir d’enfant. Vous pouvez toujours adopter”.
– Conséquences terribles pour la victime
– Phrase de remplacement: cette psychiatre aurait dû vérifier les résultats médicaux avant d‘asséner des résultats bruts en plus erronés. Et surtout donner espoir et confiance à la victime.

3/ Médecin psychiatre à une victime: “je ne peux plus rien pour vous”.
– Conséquence pour la victime: désespoir, sentiment de solitude, impuissance, abandon…etc
– Phrase de remplacement: “j’ai atteinte mes limites thérapeutiques dans l’offre de soins que je peux vous prodiguer, je peux en revanche vous adresser à des confrères ou consœurs très compétents en matière de psychotraumatisme et très humains”.

4/ Médecin psychiatre à une victime: “c’est un viol, vous n’en n’êtes pas morte”.
– Conséquence pour la victime: muselage, renforcement de la honte, de la culpabilité, retard dans les soins psychiques.
– Phrase de remplacement: “ce que vous avez subi est très grave, nous allons vous prendre en charge du mieux que nous pourrons”.

5/ Psychologue/psychanalyste (et par ailleurs experte auprès des tribunaux) à une victime d’inceste frère/soeur qui avait osé demander si, du point de vue de la justice, elle pourrait être considérée comme victime : “Vous n’allez pas porter plainte pour ça quand même, j’espère !”
– Conséquences pour la victime : enfermement dans la culpabilité, difficulté accrue à se sentir légitime dans une action en justice.
– Phrase de remplacement : “Oui, vous avez été victime de votre frère. Vous seriez légitime à porter plainte contre lui. Vous ne vouliez pas de “relation” incestueuse avec lui, il vous l’a imposée par chantage et manipulation.”
(Témoignage datant de 2006).

La victime concernée a tenu à apporter les précisions suivantes:

“J’ai quand même porté plainte “pour ça”, environ 1 an et demi après le commentaire de cette psy. Impossible de dire combien de temps ça m’aurait pris sans elle, ou avec son soutien. Mais ce qui est sûr, c’est qu’elle a rendu la chose encore plus difficile. 
Elle était la première personne que je sondais à ce sujet, et j’ai pris sa réponse d’autant plus au sérieux que je la savais experte auprès des tribunaux. Il m’a fallu endurer 6 mois de commentaires désobligeants et de jugements à l’emporte pièce pour en arriver à la conclusion que cette psy était destructrice pour moi. Après quoi, il s’est écoulé encore plusieurs mois avant que j’ose me re-poser la question de la plainte. 
Heureusement qu’il y avait internet et que j’ai eu la chance d’y rencontrer d’autres anciennes victimes qui m’ont beaucoup aidée!!”.

Solidarité, empathie et admiration pour ce parcours courageux et volontaire. Propos totalement inappropriés de cette “psy”….

6/ Une victime nous confie l’histoire suivante:

“Un psychanalyste avec qui j’ai fait un super travail pendant des années, m’a dit, quand j’ai commencé à remettre en lien certains souvenirs à propos de mon “parrain”, dont ma mère semblait être amoureuse alors que lui semblait aimer les petites filles: “c’est un honneur que vous a fait votre mère que de vous confier à l’amour de cet homme”. Ça m’a valu quelques années de silence en plus…

Elle ajoute: “Heureusement la psychanalyste que j’ai vue par la suite m’a dit : “cet homme était un sale cochon de pédophile!”. C’est un autre style. Les mots justes….qui réparent….

7/ Une autre celui-ci:

“Mon médecin, au moment où je me mets à pleurer en lui disant que j’ai des souvenirs de mon enfance et que ça va pas…:” quoiqu’il se soit passé, quels que soient vos souvenirs, douloureux et difficiles, ça reste des souvenirs et vous devez vivre avec . Et si c’est trop difficile, alors il faut couper les ponts avec ses personnes”.

Je n’ai du coup pas pu lui dire le problème, je me suis sentie coupable de ne pas réussir à vivre avec mes souvenirs alors que ça paraissait si simple… Heureusement, ma psy a repris derrière, et j’ai changé de médecin 3 semaines après… si j’avais été seule, j’aurais enfoui ça à nouveau bien loin…

8/ Témoignage d’Ingrid, élève infirmière

Un psychiatre: ” au nom du père il faut savoir pardonner car c’est le père qui dirige”.

Une infirmière à un patient victime d inceste : “que veux tu qu’on en fasse?” alors que je demandais en tant que stagiaire comment pouvons nous l’aider.

Un psychiatre à une proche victime d’inceste par le père : “vous pouvez laisser vos enfants votre père est guéri cela ne risque plus rien.”

J’ai eu beaucoup de retours de victimes aussi qui abandonnent leur thérapie faute de prise en charge et faute de ne pas être entendus reconnus.
Il faut vraiment former les professionnels.

9/ Delphine nous envoie le témoignage suivant:

“Voici le florilège de “conneries” que j’ai entendues durant mon parcours thérapeutique, dans l’ordre chronologique:

– A 15 ans, j’ose enfin prendre mon courage à deux mains pour parler à ma psy de mon agression du prof de gym à 12 ans.

A l’époque je n ai pas de recul ni les mots pour qualifier ces actes. Je débute ma confession en disant “je ne sais pas si c’est vraiment une agression sexuelle mais il m’a fait..” et elle m’interrompt en me disant: “non, non si t’avais été abusée tu aurais peur des hommes alors que là avec ton petit ami ça va bien”

Conséquences: J’ai ravalé mon histoire et je n’ai plus réussi à retourner en thérapie jusqu’à ce que je réalise à 25 ans que toute ma vie sexuelle est basée sur des relations sexuelles non consenties (normal puisque chaque fois qu un homme me désirait je partais en dissociation sévère. De même que dire non à un homme qui veut de moi m’est impossible puisque j ai peur de mourir. Mais ça à l’époque je ne le comprends pas. Je crois que je suis une traînée nymphomane…!).

– A 31 ans, je vis une situation de violence conjugale. Mon psy me dit “pourquoi avoir rejoué le même scénario avec cet homme?” Il ajoute une tirade sur “la fascination des victimes pour le trauma” et parle d’une volonté inconsciente de remettre en scène le traumatisme initial. Il termine en disant que “ce type de violence, comparable à une danse, se danse à deux”!….

– Conséquences: nouvelle incompréhension de ce qu’il m’arrive, de la culpabilité, des jugements négatifs sur moi et un profond sentiment de ne rien valoir.

Récemment j’ai parlé à mon psy des images violentes, non contrôlables, qui s’imposent dans mon esprit lorsque j’ai des rapports sexuels.

Le psy m’a dit que “ce sont des fantasmes non de la mémoire traumatique”. Je suis en désaccord total avec lui sur ce sujet je vais devoir trouver un autre psy”.

Merci Delphine, solidarité et empathie!

10/ Corine nous envoie le témoignage suivant sur une psychiatre qui l’a plongée dans un grand état de détresse à cause de son manque d’humanité et son incompétence…:

“La première psychiatre que j’ai vue et la seule depuis, ça ne donne pas envie de renouveler l’expérience. Je lui parlais pour la première fois de l’inceste que j’avais subie petite, ça venait à peine d’éclater dans ma tête.

J’ai raconté la vision qui était revenue en premier, elle a pris sa tête dans ses mains et ses premiers mots “votre père a eu d’autres filles?”
Pas un seul mot pour moi pendant les 20 minutes de la séance.

Je comprends que savoir s’il y avait eu d’autres filles était important mais ce jour là j’avais besoin d’aide que je n’ai pas eu, comme si j’avais parlé d’une simple scène familiale.Ah si aide sous forme d’ordonnance plutôt musclée…

L’avant dernière fois ou je suis allée la voir, j’étais dans un état désespéré, je pleurais, tremblais, mais voilà c’était l’heure de partir donc “à dans un mois, au revoir”.

Je suis restée une demi heure dans l’escalier incapable de marcher et toujours en pleurs.

Le lendemain matin, je l’appelle pour demander de l’aide, voir un RDV. Réponse “je suis en vacances à la fin de la semaine je suis surbookee si ça ne va pas allez aux urgences, je suis en consultation là au revoir”.

Résultat, j’ai pris les boites de médocs et je suis allée aux urgences, je suis restée plus d’une heure sur le parking en me disant que si je prenais tous les médocs d’un coup avant d’y rentrer on s’occuperait sans doute de moi…
J’ai finalement choisi d’aller travailler ce jour là.

Le RDV suivant je l’ai virée.

Puis, j’ai lancé un appel sur Twitter pour appeler à l’aide pour trouver un/une psy formé/e et j’ai fini par trouvé une psychologue, psychothérapeute formée et surtout à l’écoute de ses patients.

Leur manque de formation a des effets désastreux sur les patients, l’impression de ne pas être légitime comme patient, que finalement c’est peut être pas si grave que ça vu la réaction du professionnel…et on continue de s’enfoncer à cause de ces remarques.

(Merci Corine, nous sommes totalement solidaires. Le manque d’écoute et d’humanité tue….Parfois, nous nous demandons même s’il s’agit uniquement d’un manque de formation….)

De fait, Corine a tenu à nous envoyer ce complément de témoignage:

“Il y a des professionnels qui sont formés même si malheureusement ils sont trop minoritaires. On peut ajouter que ma psychologue-psychothérapeute lors du premier RDV m’a dit: “Maintenant vous et moi on est une équipe je ne vous lâcherais jamai sauf si c’est ce que vous vous désirez”.

C’était Il y a un an et demi depuis on avance, on avance”…

10/ Une autre victime tient à témoigner au sujet d’une avocate d’une association de victimes qu’elle a rencontrée il y a plusieurs années:

Je voulais savoir si je serais considérée comme coupable par la justice de ce qu’on m’avait forcée à faire.

Sa réponse : “à 13 ans vous saviez ce que vous faisiez, vous êtes responsable de vos actes” . Et pas même un mot sur la manipulation ou les menaces que j’ai subies.

Résultat: je me suis littéralement effondrée, envie de mourir, persuadée que j’étais coupable de tout, que tout était de ma faute, l’impression de n’être qu’une merde…

Sans le soutien de mes amies, de ma psy et la présence de mes filles je ne serais sans aucun doute plus là.

Je n’ai jamais oublié ces paroles. Et j’ai mis beaucoup, beaucoup, beaucoup de temps à comprendre qu’elle avait tort.

Aujourd’hui je suis accompagnée par une psy spécialisée dans les graves traumas, qui m’assure de son soutien et de la normalité de mes pensées, ressentis et actes, passés ou présents !

11/ Pour conclure, un témoignage positif d’une victime:

Ma psychologue me dit régulièrement, quand elle sent que je vacille :”Je suis là, je ne vous lâche pas”. Juste ces mots là..
Y’a des professionnels, peu formés sur ce genre de trauma, qui savent aussi être.. et accompagner..

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