Chères amies et chers amis,
Hier s’est achevé le procès de l’Archevêque de Lyon, Philippe Barbarin et de cinq autres membres du diocèse pour non dénonciation d’agressions sexuelles dans l’affaire Preynat.
Le jugement sera rendu le 7 mars. Un délibéré qui tournera essentiellement autour de débats juridiques sur la caractérisation des infractions. Mais ce procès historique a mis au grand jour bien plus que des aspects juridiques et il nous a semblé intéressant de rappeler cinq phrases clés qui en dévoilent les enjeux et le sens.
1/ ”JE CONNAIS UN JEUNE HOMME QUI A CONNU LE PÈRE PREYNAT. IL N’AVAIT QUE DES REMERCIEMENTS A LUI FAIRE. ON NE PEUT JAMAIS SAVOIR SI QUELQU’UN VA RECOMMENCER”.
La réponse du cardinal Barbarin à la question de la présidente du tribunal qui lui demande comment pouvait-il être si sûr que Preynat n’avait pas continué à agresser sexuellement des enfants après 1991. Cette phrase symbolise la dérobade qui a été celle des prévenus. La question n’aurait même pas dû être posée, il fallait que la hiérarchie de l’Eglise protège les enfants en dénonçant les faits à la justice. Elle porte aussi en elle tout ce qui n’est pas nommé et qu’on préfère ne pas voir, à savoir l’horreur des faits. “Quelqu’un” c’est un pédocriminel qui peut “recommencer” à agresser sexuellement ou à violer….
2/ ”JE N’AI PAS L’IMAGINATION PERVERSE”.
Dans la même veine, la réponse de Maurice Gardès, archidiacre dans le Roannais, qui avait été prévenu de méfaits commis par Preynat sur des enfants à la question d’un avocat des parties civiles: “et vous ne pensez pas qu’il peut s’agir de violences sexuelles?”. Cette phrase en dit long sur l’aveuglement ou le déni de nombreux responsables ecclésiastiques.
3/ ”IL Y A DANS NOTRE SOCIÉTÉ UN DROIT À L’OUBLI MÊME DES CHOSES QUI NE S’OUBLIENT PAS”.
Paternaliste, Me Jérôme Chomel de Varagnes, avocat de Thierry Brac de la Perrière, ex-évêque auxiliaire de Lyon. Cette déclaration hallucinante symbolise l’argument central de la défense des prévenus. La prescription. Celle des faits en l’occurrence des agressions sexuelles sur mineurs et celle de la non-dénonciation de ces agressions, un délit. Mais cet avocat va plus loin en enfonçant le clou au mépris du ressenti des victimes qui ont pourtant décrit leur calvaire en long et en large. En gros, il leur dit “et oui c’est comme ça, notre société donne une carte blanche totale aux pédocriminels. Qu’on se le dise”. Ce procès aura une fois de plus montré l’urgence d’instituer en France l’imprescriptibilité des crimes et agressions sexuels sur mineurs.
4/ ”MESDAMES ET MESSIEURS LES PRÉVENUS, VOUS VIVEZ DEPUIS TROIS ANS AVEC UNE CERTAINE PRESSION. MOI CA FAIT 40 ANS QUE JE VIS DANS CET ISOLEMENT ET CE SILENCE”.
Didier Burdet une victime de Preynat. Lorsqu’il a prononcé ces mots, l’ensemble des prévenus a baissé la tête. Ce cri de douleur exprime toute la réalité de l’impact des faits pédocriminels surtout lorsque ceux-ci sont enfermés dans une chape de plomb de non reconnaissance sociétale et de non protection de la part d’institutions dont c’est le rôle. Elle dit aussi que cette souffrance n’a pas de prescription contrairement aux textes de loi. Elle révèle enfin toute la dignité des victimes qui se sont enfin exprimées dans l’enceinte d’un tribunal. De leur côté les prévenus n’ont eu que quelques phrases d’empathie bien rares. A la fin du procès Monseigneur Barbarin a été saluer les avocats des plaignants mais pas les victimes elles-même…
5/ ”MERCI D’AVOIR SECOUÉ L’EGLISE CAR IL Y A DES DYSFONCTIONNEMENTS, DES DIFFICULTÉS, IL FAUT QU’ON CHANGE, QU’ON NE S’ARRÊTE PAS LA”.
Moment fort lors d’une suspension d’audience lorsque l’évêque auxiliaire de Lyon, Emmanuel Gobilliard s’adresse à François Devaux, fondateur de la Parole libérée. Etait-ce sincère ou calculé? Nul ne le sait. En tous les cas, l’hommage à cette association dont l’action en France pour libérer la parole des victimes de prêtres restera dans l’histoire était juste et mérité.
Quelle que soit d’ailleurs l’issue de ce procès, la parole des victimes s’est désormais libérée et rien ne sera plus comme avant grâce à eux.
Bon weekend à toutes et à tous,
Mié Kohiyama pour le groupe “MoiAussiAmnesie”
Merci pour cet article ! Je suis allée voir le film Grâce à Dieu, hier. Un film remuant, mais plein de justesse. Qui montre l’impact sur la vie adulte parfois sévère, d’agressions sexuelles et de viols subis pendant l’enfance. Je pense que ce film aura le mérite d’ouvrir les yeux, de soulever un tabou aussi. Peut-être des personnes qui ont vécu des abus et qui n’en ont pas conscience vont sortir de leur amnésie grâce à ce film et l’autre film, Les Chatouilles.