Chères amies et chers amis,
Cet été avec Natacha, nous discutions de choses et d’autres lorsque nous avons abordé la question des “premières fois”….Au sens où l’entendent les adolescentes, quand on découvre la relation sexuelle, le premier petit copain…etc. La porte d’entrée à la relation intime qui va rester quelque part gravée à jamais dans notre mémoire et notre inconscient…
Et inévitablement, nous avons fait le lien avec nos premières fois à nous….qui sont aussi celles de nombre d’entre vous…..Ma “première fois”, j’avais 5 ans…..J’en parlerai une autre fois mais inutile de dire que les conséquences sur ma vie intime future furent dévastatrices….sans compter évidemment 32 ans d’amnésie traumatique totale déclenchée par l’inconscient pour évacuer l’horreur…
Natacha m’a parlée de sa première fois. Elle était adolescente…..Il a semblé évident qu’elle pourrait nous éclairer toutes et tous sur ce sujet complexe qui n’aurait jamais dû lui laisser une telle faille. A suivre son témoignage : touchant, authentique et d’une grande clarté…Oui, à nous autres victimes de viols dans l’enfance et l’adolescence et d’amnésie traumatique, des êtres sans scrupules nous ont non seulement volés des morceaux de notre mémoire mais aussi notre première découverte de l’intimité…
Pour celles et ceux qui seraient sensibles à ce sujet, nous vous proposons en retour d’écrire et nous envoyer par mail vos témoignages sur ces “premières fois volées”. Par exemple en décrivant la personne que vous étiez avant, vos rêves, l’empreinte de ces “première fois” et les conséquences qui ont suivi….en lien bien évidemment avec l’amnésie traumatique que vous avez subie.
L’idée n’est évidemment pas de se prêter à un exercice impudique mais d’expliquer à nos lectrices et lecteurs en quoi les conséquences de viols dans l’enfance et l’adolescence qui souvent constituent la première découverte de l’acte sexuel comme un acte criminel, laissent des failles profondes. Et ce afin de faire progresser l’éveil des consciences en France.
D’avance un grand merci à toutes et à tous,
Excellent week-end,
Mié Kohiyama pour le groupe « MoiAussiAmnesie ».
J’ai 16 ans.
Avec mes amies nous parlons des garçons des différents lycées que nous connaissons, des beaux garçons attirants, de ceux qui sont populaires, ceux avec qui on se voit passer un cap que nous n’avons encore osé franchir: les relations sexuelles.
Nous rêvons de la première fois idéale, parfaite même. De la vie après, de la promesse que cela fera de nous des femmes et non plus des ados. Nous rêvons, nous imaginons tout dans le moindre détail. Nous nous interrogeons sur la douleur, est-ce que ça fait mal ? Est-ce qu’on a mal après ? Nous questionnons celles qui prétendent avoir déjà essayé et les réponses sont tellement diverses que nous ne sommes pas plus avancées. Nous évoquons aussi en rigolant le plaisir : est-ce que c’est si bien que ça ? Deux de mes amies parlent de masturbation en disant que si c’est comme ça faire l’amour avec quelqu’un alors ça doit être merveilleux. Je réponds que moi je n’ose pas parce que j’ai peur. Nous rions beaucoup à cause de la gêne et nous nous promettons que la première de nous qui ira au bout avec un garçon devra le raconter aux autres.
Je me souviens parfaitement de ce mélange de peur et d’envie. Je n’ai aucune femme adulte dans mon entourage à qui parler autre que ma mère et ça c’est vraiment impossible pour moi.
Je ne sais pas si je suis prête à passer ce cap ou pas et je me dis que le seul moyen c’est sûrement d’essayer et ainsi je saurais.
Un garçon fait l’objet de l’attention de nombreuses filles. Il est beau, il a beaucoup redoublé et il est plus âgé. Ses amis aussi sont plus vieux, ils ne sont même plus au lycée et ils ont le permis de conduire. Nous imaginons que nos journées, facilitées par ce moyen de transport seraient plus agréables. Un vendredi de mars, ce garçon m’invite à son anniversaire le mercredi suivant. Seulement moi ! Je suis sur un nuage et la jalousie de mes copines m’est égal, j’irais à cette fête quoi qu’il arrive.
Ma mère n’est pas d’accord mais peu importe, elle travaille et j’y vais quand même en bus.
Les trois premières heures de l’anniversaire, nous dansons, nous buvons. Puis je me retrouve en tête à tête avec ce garçon dans sa chambre, sur son lit. Nous parlons, il me dit des choses gentilles et il m’embrasse. Je suis en plein rêve éveillé, j’ai confiance en lui. Il commence à me caresser la poitrine puis les cuisses et soudain j’ai peur et je sens que je ne suis pas prête à aller plus loin. Je suis mal à l’aise et son contact me dérange. Je dis “stop”, il n’arrête pas, je parviens à m’enfuir et je suis arrêtée dans le couloir par deux de ses amis qui me ramènent de force sur le lit.
Les viols de ces trois personnes dureront près de deux heures et j’en oublierais une grande partie durant vingt ans, presque tout en fait à part le début du premier viol et la fin, victime d’amnésie traumatique partielle.
J’ai 16 ans et je ne suis plus pareille.
Je ne parlerais bien sûr jamais de ces viols à mes amies, ni à personne d’ailleurs pendant très longtemps à part à un médecin et à des psys, mais ce fût un échec total.
Je n’ai plus aucune confiance en personne et les hommes me font peur. J’ai peur qu’en me rapprochant d’eux ça recommence, peur qu’ils se servent de moi comme d’un objet quand bon leur semble, alors je m’éloigne d’eux. Mais je m’éloigne aussi de mes amies car nos sujets de conversations sont devenus ridicules pour moi. Il n’y a rien de beau ni d’agréable dans une relation sexuelle, seulement de la violence, de la douleur et des menaces, ainsi que l’éventualité de mourir. Elles continuent à me parler de plaisirs solitaires mais cette fois je ne réponds pas, avant j’avais peur, maintenant encore plus et je me dégoûte.
Je ne veux plus exister, juste être un fantôme et je mets des t-shirt XL et des pantalons sans formes, je me cache. Je ne parle plus qu’à peu de gens.
Mes amies disparaissent parce qu’elles ne comprennent pas mon soudain désintérêt ni le fait que je n’ai plus jamais de petits copains.
Je tiens à revenir sur l’amnésie traumatique partielle de presque 20 ans. Je me souvenais du début du premier viol et du moment où ça se terminait. Pendant tout ce temps, et après que mon médecin de famille m’ait dit que le viol dont je lui parlais étaient sûrement plus des regrets d’adolescente face à un mauvais choix qu’un “vrai viol”, j’ai essayé de m’en convaincre. Mes souvenirs se limitant au début du premier viol, j’ai commencé par me dire que c’est peut-être ce que j’avais souhaité, puis ensuite que oui il y avait eu la douleur mais que c’était peut-être normal, puis que ce n’était pas si terrible, pour finir par “Peut-être que la fin dont j’ai tout oubliée était bien”. Je me suis raconté de belles histoires afin de rendre acceptable ce qui ne l’était pas, j’ai comblé les vides par ce qui était supportable et non par la réalité qui, aujourd’hui je le sais est une horreur absolue. J’ai pu survivre en réussissant à me convaincre en partie que l’horreur de cette première fois était un choix…
Je ne suis pas très fière de ces mensonges à moi-même pour occulter la situation réelle, car même si cela m’a permis de survivre, ça m’a certainement empêché d’avancer toutes ces années, mais si j’en parle ici c’est parce que je ne suis probablement pas la seule dans ce cas.
Aujourd’hui quand je parle de première relation sexuelle avec quelqu’un qui n’a pas vécu de viol ou d’inceste, c’est souvent pour eux un lointain souvenir anecdotique. Parfois un bon souvenir, parfois un souvenir qui déclenche des sourires ou des rires, parfois même c’est tellement flou que la personne ne peut même pas vraiment en parler.
J’ai le sentiment que ma “première fois” a été volée. Avec elle, tant de choses ont disparues. (et je ne parle bien sûr pas physiquement)
– La confiance en l’Autre, mais également la confiance en moi et en mon jugement. Jusqu’au bout j’étais persuadée que ça n’était pas possible, que ça allait s’arrêter parce qu’un être humain ne peut pas être capable d’infliger ça, c’était au-delà de l’entendement. Pas une seconde je n’ai imaginé qu’avec ce garçon ça pouvait finir comme ça. Une fois la confiance détruite, mes relations avec les autres ont été compliquées, qu’elles soient amicales ou amoureuses.
– L’innocence d’une adolescente qui voulait découvrir la sexualité mais pas de cette manière, qui croyait en l’amour et un peu aux contes de fées, et qui soudain est confrontée et découvre qu’il est possible qu’une relation censée être un acte de partage et d’amour peut être extrêmement violente, brutale et douloureuse.
– L’épanouissement dans les relations intimes avec un autre être humain, car longtemps la peur a dominé toute relation. Comment lâcher prise et accepter un contact et une proximité quand on a connu la douleur et la peur la première fois?
– Mes rêves. Parce que j’imagine qu’une première relation n’est pas forcément toujours la plus merveilleuse dans une vie mais c’est un moment qui m’appartenait. C’est, il me semble un acte important dans la vie d’une femme, comme un passage, un choix de maturité et j’ai été privée de ce choix. Le reste de ma vie amoureuse et de couple a longtemps été dirigé par les ombres et non par les rêves, et elle l’est en partie aujourd’hui encore.
Je me suis demandée tant de fois comment ça se passe réellement quand il s’agit d’une première relation consentie. C’est comme si j’avais dû faire le deuil de quelque chose que je ne connaîtrais jamais. Je ne sais pas non plus si je suis la seule à ressentir le manque et le vide de cette première fois volée.
Il m’est arrivée souvent d’être en contact avec des adolescentes à qui je donnais des cours d’équitation et que j’accompagnais en compétition, et pour plusieurs j’étais sûrement la seule adulte à qui elles pouvaient parler, et lorsqu’elles me posaient des questions sur la première fois, j’ai toujours ressenti un décalage, une sorte d’impuissance à répondre et les aider puisque je n’ai AUCUNE idée de comment ça se passe ou de ce qu’on peut ressentir dans un contexte “normal” et je n’ai bien entendu jamais posé la question à personne. Bien sûr j’ai toujours répondu avec mon bon sens, mais j’avais malgré tout, toujours eu l’impression de tricher.
Étrangement, quand je pense à cette journée où tout a basculé, au-delà de l’enfer des viols, je suis triste. Triste de savoir que peu importe ce que je ferai pour sortir de ça, pour aller mieux, il n’y a pas de retour en arrière possible et que je ne récupérerai jamais ce que l’on m’a pris. Il n’y a malheureusement pas de deuxième première fois…
Merci Natacha pour votre écrit. Je vous envoie beaucoup d’amour, de paix et de lumière.
Merci beaucoup
Bonjour Natacha ton histoire me touche …
Énormément même.
J’ai vécu ma première fois il y a deux mois, avec un homme de 24 ans rencontré en Australie. J’ai 18 ans jamais eu de petit copain et tout comme toi attendant le bon…
Mais cet homme avec qui je suis allée au restaurant n’a pas accepté mon refus d’une relation plus approfondie ( comme petit copain) donc lorsque je suis allée aux toilette du restaurant il a drogué mon verre d’alcool avec de l’opium ( famille de drogue: GHB, morphine, héroïne …)
Je ne me rappelle pas être partie du restaurant. Mes seules souvenirs sont des flashs de diverses miment de la soirée et pas que des bons puisque je me rappelle que malgré l’alcool, malgré la drôle j’ai tenté de le repousser.
Au jour d’aujourd’hui je suis toujours en Australie à combattre mes démons et à faire avancé la plainte que j’ai porté contre cet homme.
Et au jour d’aujourd’hui même si je me sens volé, souillé et utilisé comme objet sexuel, que je n’arrive toujours pas à penser qu’un jour j’aurais quelqu’un dans ma vie.
Je sais que la première foie ne se résume pas au première acte fais mais au premier act que tu désire de faire.
Ma première foie n’as pas été avec cet homme ! Il ne l’as mérite pas ! Elle est beaucoup trop pure pour lui !
Alors oui médicalement parlant il l’as prise, oui je ne suis plus vierge.
Mais j’offrirais ma première foie à la personne que là méritera et MA première foie se fera avec quelqu’un que je désire.
C’est mon point de vue et je veux continuer à pensé comme ça
😁🤞🏻
Merci de nous livrer vos mots et votre vécu. Je suis certaine que vous parviendrez à cette première fois que vous méritez, dans la sérénité et la confiance en l’autre. Je vous envoie tout mon courage depuis la France.