En ce 20 novembre, journée internationale des droits de l’enfant, nous sommes 67 victimes de viols et d’agressions sexuelles lorsque nous étions enfants qui lançons un appel pour l’imprescriptibilité des crimes sexuels sur mineurs.
Voici notre appel que Le Monde vient de publier. https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/11/20/nous-reclamons-l-imprescriptibilite-des-crimes-et-agressions-sexuelles-sur-mineurs
Nous sommes 52 femmes et 10 hommes de faits prescrits, des anonymes aux victimes d’affaires ayant défrayé la chronique comme celle du père Peyrard, jugé aujourd’hui à Sainte-Etienne. Des affaires où des victimes prescrites côtoient des victimes non prescrites dans un semblable parcours de souffrance…D’autres, victimes d’inceste dans des huis clos familiaux étouffants où la parole n’a parfois pas pu se libérer…avant de très longues années.
Dans cet appel, nous expliquons les maux psychiques, physiques, émotionnels…etc que nous avons toutes et tous traversées.és pour un jour découvrir ce non sens juridique et humain: la prescription pénale, ce droit à l’oubli pour nos agresseurs ou nos agresseuses.
Ailleurs dans le monde, le Chili, la Californie, le Royaume-Uni, la Suisse ou le Canada ont fait le choix de l’imprescriptibilité des crimes sexuels sur mineurs. “Il s’agit d’un choix sociétal majeur. Il s’agit de dire à tous les agresseurs d’#enfants que désormais ils auront des comptes à rendre jusqu’à la fin de leurs jours. Les victimes devant, quel que soit le temps qui passe, gérer les séquelles à vie”….écrivons-nous dans ce texte.
Pour les générations passées, actuelles et futures, nous appelons nos responsables politiques à prendre cette décision courageuse.
Jusqu’à une époque récente, l’imprescriptibilité était, à juste titre, réservée aux crimes contre l’humanité tant il était difficile et incertain de retrouver les criminels de guerre. Il ne s’agit pas de comparer les crimes mais de souligner que faire le choix de l’imprescriptibilité pour les crimes sexuels sur mineurs, voire sur l’ensemble des crimes infantiles, serait une façon de se positionner dans une société qui ne tolérera plus l’innommable pour nos enfants.
Un enfant violé ou agressé est un petit être en grande souffrance et sans moyen de protection et un adulte qui a une perte de chances considérable. Nous ne pouvons plus tolérer une société qui sacrifie son avenir!
Un grand merci à toutes les victimes et associations qui nous ont aidés à rassembler les signatures: l’AIVI, Association Internationale des Victimes de l’Inceste, Association Mémoire Traumatique et Victimologie, Enfance majuscule, Coup de pouce – Protection de l’enfance, Association Le Monde à Travers un Regard, des membres de La Parole Libérée, La Génération qui Parle Laurent Esnault….etc. Et celles et ceux que j’oublie…
Merci à toutes et à tous pour cet esprit solidaire et collectif, unique clé d’une victoire dans cette lutte à longue haleine contre les violences sexuelles, en particulier celles faites aux enfants.
Mié Kohiyama pour le groupe “MoiAussiAmnesie”
Un immense merci et hommage à toutes et à tous les signataires:
1/Mie Kohiyama, 46 ans, violée à 5 ans
2/ Edmonde, 65 ans, violée à 4 ans et de 9 à 14 ans
3/ Philippe Bizot, 61 ans, violée à 9 ans
4/ Anne-Kristine Barret-Riou, 72 ans, violée à 1 an
5/ Françoise 59 ans, violée entre 3 et 5 ans
6/ Sandrine Martins Guimaraes, 43 ans, violée entre 6 ans et 7 ans et demi
7/ Ariane Obolensky, 48 ans, violée à 19 mois
8/ Corine Dobrenel, 50 ans, violée entre 5 et 13 ans
9/ Vanessa Saab, 48 ans, agressée sexuellement à 12 ans
10/ Marie Rabatel, 43 ans, violée à 12 et plus
11/ Anne-Marie Lemoigne, 70 ans, violée à 13 ans
12/ Mylène Cellier, 59 ans, violée de 2 à 12 ans
13/ Anne-Carole, 55 ans, violée jusqu’à 10 ans
14/ Lena, 57 ans, violée de 2 à 16 ans
15/ Francine Leclère, 50 ans, violée de 3 à 11 ans
16/ Mathilde Brasilier, 59 ans, violée de 5 à 10 ans
17/ Raphael Emeth, 57 ans, violé à 11 et 12 ans
18/ Antigone, 56 ans, violée à 7 ans
19/ Elisabeth G., 43 ans, agressée sexuellement dans l’enfance
20/ Laurent Esnault, 47 ans, tentative de viol et agressions sexuelles à 13 ans
21/ Randal Do, 52 ans, violée à 6 ans
22/ Anne-Lucie Domange-Viscardi, 49 ans, violée de quelques mois à 12 ans
23/ Florence Domange, 46 ans, violée de quelques mois à 10 ans
24/ Matthieu, 41 ans, violé de 1 à 7 ans
25/ Vanessa Feschotte Aiffe, 45 ans, violée de 6 à 11 ans
26/ Marie, 47 ans, violée entre 7 et 12 ans
27/ Patricia, 58 ans, violée à 15 mois
28/ Caroline, 51 ans, violée à 14 ans
29/ Cham, 30 ans, violée de six mois à 3 ans
30/ Sonia Laffargue, 64 ans , violée de 9 ans à 18 ans
31/ Micheline Laffargue, 59 ans , violée de l’âge de 7 à 22 ans
32/ Reine Laffargue, 66 ans victime de 11 ans à 19 ans
33/ Marie-Claude Barbin, 69 ans, violée à 6 ans
34/ Kathya de Brinon, 70 ans, violée de 9 à 11 ans
35/ Diane Joachim, 63 ans, agressée sexuellement à 3 et à 13 ans
36/ Anne, 46 ans, violée et agressée sexuellement à 16 ans
37/ Oddny, 59 ans, violée à 15 ans
38/ Laetitia, 38 ans, agressée sexuellement à 11 ans
39/ Bertrand, 47 ans, agressé sexuellement à 8 ans
40/ Alice, 42 ans, violée à 10 ans
41/ Jean-François Roche, 61 ans, violé à 13 ans
42/ Audrey, 41 ans, violée à 16 ans et demi
43/ Sandra, 44 ans, agressée sexuellement à 10 ans
44/ Valérie Temprement, 42 ans, violée à 16 ans
45/ Brigitte, 62 ans, violée à 12 et à 14 ans
46/ Edwige Leshouches, 67 ans, agressée sexuellement à 10 ans
47/ Marie, 41 ans, agressée sexuellement entre 8 et 9 ans
48/ Céline Rosset, 46 ans, violée de 5 à 10 ans
49/ Florence Bertrand, 60 ans, violée à 12 ans
50/ Jade, 41 ans, violée de 7 à 16 ans
51/ Laura, 33 ans, violée à 4 ans
52/ Stéphane Erbibou, 48 ans, agressé sexuellement à 12 ans
53/ Sandrine B., 43 ans, violée de 7 à 17 ans
54/ Sylvie, 50 ans, violée à partir de l’âge de 7 ans
55/ Mathieu, 34 ans, violé dès l’âge de 6 ans
56/ Vincent, 42 ans, agressé sexuellement à 12 ans
57/ Alexandre Dussot-Hezez, 44 ans, agressé sexuellement à 9 ans
58/ Marie-Chanel, 35 ans, agressée sexuellement à 10 ans
59/ Blandine C. 43 ans, violée à 9 ans
60/Nathalie, 37 ans, agressée sexuellement à 8 ans
61/ Stéphanie B. 37 ans, agressée sexuellement et violée de 7 à 11 ans
62/ Corinne B., 50 ans, agressée sexuellement à 3 ans, violée à partir de 4 ans.
63/ Sylvie Percheron, 70 ans, violée entre 3 et 6 ans
64/ Bernadette Blanchet, 50 ans, victime d’inceste de 4 à 12 ans
65/ Nathalie Quatrevaux, 42 ans, violée à 9 ans et demi
66/ Annick Nini, 60 ans, violée entre 11 et 18 ans
67/ Anne-François 48 ans, violée à 5 et à 9 ans
Et pour les non-abonnés, voici la tribune:
IDÉES
“Nous réclamons l’imprescriptibilité des crimes et agressions sexuelles sur mineurs”
Un collectif de victimes de violences sexuelles au cours de leur enfance demande, dans une tribune au “Monde”, l’abandon du droit à l’oubli pour leurs agresseurs.
Par Collectif
Tribune. Nous avions 4 ans, 5 ans, 10 ans, 12 ans, voire, parfois, moins de 1 an… Nos petits cerveaux ont occulté l’horreur des viols ou des agressions sexuelles. Parfois pour des dizaines d’années à cause d’une amnésie traumatique. D’autres se sont protégés par le déni, se sont tus par terreur, impuissance, honte, culpabilité, souvent reclus dans un huis clos familial étouffant où évoluaient nos agresseurs, père, mère, grand-père, grand-mère, oncles, tantes… incestueux tout-puissants.
Nous sommes devenus des adolescents à part et en souffrance
Les années ont passé. Nous sommes devenus des adolescents à part et en souffrance. Certains se sont privés de nourriture ou au contraire ont dévoré tout ce qui leur passait sous la main pour oublier et déformer leur corps souillé.
D’autres se sont enfermés dans des phobies, ont été minés par des peurs et angoisses insurmontables ; se sont scarifiés ou livrés en pâture à d’autres agresseurs sexuels dans un état second, où les ont conduits les viols précoces ; sont tombés dans l’abstinence, préférant une solitude totale plutôt que toute relation pouvant réveiller le cauchemar de leur enfance.
Reflets d’un passé brisé
Un certain nombre enfin ont choisi les paradis artificiels : alcool, drogue, car il y eut aussi des souffrances physiques abominables, un impact somatique considérable des viols sur notre santé. Nombreux n’ont pas survécu à ce chaos. Ils se sont ôté la vie.
L’impact originel du lien humain saccagé a également pesé sur nos diverses relations amicales ou professionnelles
Et puis nous sommes devenus des adultes isolés ou aux prises avec des histoires de couple impossibles, une vie sexuelle souffrante aboutissant à des grossesses à risque. Et d’importantes difficultés dans l’éducation de nos enfants, reflets malgré eux parfois ingérables d’un passé brisé.
L’impact originel du lien humain saccagé a également pesé sur nos diverses relations amicales ou professionnelles. Ici des victimes de harceleurs en tout genre, d’autres en burn-out, perdues dans une course effrénée pour réparer une faille narcissique précoce. Sans compter aussi celles et ceux, sortis d’amnésie après de longues années de trou noir, qui ont été emportés par une vague de souffrance insubmersible ayant envoyé nombre d’entre nous en hôpital psychiatrique. Le coût d’un acte sexuel qu’aucun adulte ne devrait jamais commettre sur un enfant a été rude.
Choix sociétal majeur
Un jour, quand nos vies cabossées se sont stabilisées, nous avons souhaité faire appel à la justice. Et là, stupeur !, nous avons découvert que les crimes que nous avions subis étaient prescrits, c’est-à-dire que nos agresseurs avaient un droit à l’oubli. Un droit à l’oubli pour des crimes qui nous brûlaient encore dans notre chair.
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Et cela nous ne pouvons pas le tolérer. C’est pour cette raison qu’en cette Journée internationale des droits de l’enfant, pour toutes les générations passées, actuelles et futures, nous réclamons l’imprescriptibilité des crimes et agressions sexuelles sur mineurs, voire de tous les crimes infantiles.
Le Chili, la Californie, la Suisse, entre autres, l’ont fait… il s’agit d’un choix sociétal majeur. Il s’agit de dire à tous les agresseurs d’enfants que désormais ils auront des comptes à rendre jusqu’à la fin de leurs jours. Les victimes devant, quel que soit le temps qui passe, gérer les séquelles à vie.