En 2013, à l’occasion de ma procédure devant la Cour de cassation qui était une première en France, la Dre Muriel Salmona (Association Mémoire Traumatique et Victimologie) était déjà montée au créneau pour me soutenir ainsi que l’ensemble des victimes d’amnésie traumatique à la suite de violences sexuelles parmi lesquelles nombre de ses patientes et patients.
A l’époque, j’avais médiatisé la procédure sous le pseudo de Cécile B. Alors sous l’effet du stress post traumatique, je me sentais trop fragile pour témoigner à visage découvert.
L’objectif de ma procédure était d’obtenir la reconnaissance de l’amnésie traumatique comme un obstacle insurmontable m’ayant empêché de porter plainte plus tôt. J’ai été violée à 5 ans par un cousin. Les souvenirs ont explosé à ma conscience à 37 ans. J’ai déposé plainte deux ans plus tard. Ma plainte a été classée du fait de la prescription. En portant l’affaire devant la plus haute juridiction francaise, nous espérions l’ouverture d’une instruction. Notre demande a été rejetée et l’enquête définitivement close.
Notre affaire a toutefois permis de relancer le débat public sur l’allongement des délais de prescription des crimes sexuels sur mineurs.
C’était en outre une des premières fois en France que l’amnésie traumatique à la suite de violences sexuelles était médiatisée à cette échelle. Ceĺa n’a évidemment pas été facile de nombreux journalistes m’interrogeant alors sur la question des faux souvenirs, concept invalidé scientifiquement mais qui en revanche avait fait l’objet d’une large médiatisation. En prenant courageusement ma défense, la Dre Salmona avait déjà à l’époque essuyé une pluie de critiques sur les réseaux sociaux. De mon côté, je m’étais protégée autant que faire se peut et avais également reçu beaucoup de témoignages de soutien de victimes. J’avais aussi été soutenue par des associations comme l’AIVI qui j’en suis sûre ne tardera pas à se positionner clairement contre les récentes théories fumeuses d’un psychiatre.
Depuis les choses ont bien changé. Mon livre “Le Petit vélo blanc” publié en 2015 a été le premier témoignage écrit sur l’amnésie traumatique après des viols en France. Et surtout l’engagement en 2016 de Flavie Flament puis d’Andrea Bescond ‘Les Chatouilles ou la danse de la colère entre autres a définitivement permis la reconnaissance publique de l’amnésie traumatique. Rappelons que le gouvernement en parle comme l’une des raisons justifiant l’allongement des délais de prescription des crimes sexuels sur mineurs.
Et je n’oublie pas non plus toutes les victimes anonymes qui se battent chaque jour sur les réseaux sociaux, qui témoignent et qui écrivent aussi d’autres livres comme par exemple Isolde La Gronde.
Les récents événements montrent que l’amnésie traumatique demeure malgré tout un sujet brûlant. Nous continuons d’ailleurs à nous battre avec la Dre Salmona pour obtenir son introduction dans la loi comme un obstacle insurmontable suspendant la prescription. Car ce mécanisme reste l’un des piliers de l’impunité des pedocriminels et son inscription officielle dans la loi serait un signal fort des autorités sur ce sujet.
Ce rappel historique est également destiné à nous aider à prendre du recul par rapport aux contempteurs en tout genre. C’est une question de temps pour que les voix de ceux qui continuent à vouloir nier, minimiser ou mettre en doute l’amnésie traumatique provoquée par des violences sexuelles ne soient plus que des cris dans le désert.
Mie Kohiyama pour le groupe #MoiAussiAmnesie